Le praticien en éthique et les comités d’éthique de la recherche

Ne vous êtes-vous jamais interrogés sur la place de l’éthique dans une recherche scientifique? Plus particulièrement, sur le traitement éthique des êtres humains utilisés à des fins de recherche?

Par le passé, il y a eu, au Canada et ailleurs, des cas de traitements abusifs sur des sujets lors de recherches avec des êtres humains qui ne sont rien de moins que dégoûtant. Par exemple, des comptes rendus d’expériences traitant de la nutrition et de la santé du peuple aborigène au Canada, principalement des enfants, réalisées dans les années 40 et 50 ont fait l’actualité en 2013. Ils traitaient de régimes draconiens et de privation de soins dentaires. Cela se faisait sans la connaissance ni le consentement des participants.

De telles aberrations éthiques sont moins probables de nos jours grâce aux comités éthique de la recherche (CÉR). Vous pouvez offrir vos services aux CÉR qui s’assurent de la prise en compte des considérations éthiques dans les projets de recherche soumis. C’est une précieuse contribution à la science et à la société – et c’est aussi fascinant.

Depuis 1998, une grande partie de la recherche médicale, scientifique et sociale financée par des fonds publics au Canada a fait l’objet d’une révision éthique. La politique et les directives ont été conçues conjointement par les trois conseils d’octroi de fonds de recherche fédéraux : le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada. Ensemble, ils ont émis l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (titre abrégé : EPTC2). Il reflète un consensus international disant que chaque projet de recherche impliquant des êtres humains doit être révisé et approuvé par un comité d’éthique dûment constitué et fonctionnel avant qu’un sujet potentiel ne soit invité à participer. Une troisième édition de cet énoncé est parue en 2014.

Afin de protéger les participants de la recherche et d’assurer un traitement éthique, EPTC2 couvre plusieurs domaines : la sécurité physique et psychologique, la confidentialité des informations personnelles, le consentement libre et éclairé et la prise de décisions au nom de personnes vulnérables et d’enfants. L’édition la plus récente traite aussi de questions culturelles, particulièrement pour les recherches sur les populations aborigènes. Un didacticiel sur l’EPTC2, appelé FER (Formation en éthique de la recherche) est disponible à l’adresse suivante : http://www.ger.ethique.gc.ca/fra/index/ http://www.ger.ethique.gc.ca/fra/education/tutorial-didacticiel/.

Qui s’assure que chaque proposition de recherche a pris l’éthique en compte? Cela doit être fait par un comité d’éthique de la recherche (CÉR) indépendant dans sa prise de décisions, même s’il est attaché à l’institution qui exécute la recherche. Sans l’approbation du CÉR, le financement ne doit pas être accordé.

Chaque université, hôpital, laboratoire gouvernemental ou autre organisme qui désire le soutien d’un des trois conseils d’octroi de fonds de recherches fédéraux doit signer un protocole d’entente s’engageant à avoir une révision éthique de tous ses projets de recherche avec des sujets humains (pas seulement les projets pour lesquels il requiert le soutien du tri-conseil).

De plus, n’importe quelle entité qui demande l’approbation de Santé-Canada afin de commercialiser un produit au Canada doit démontrer que la recherche de ce produit a été approuvée du point de vue d’éthique de la recherche avec des humains par un CÉR.

Les directives actuelles exigent qu’un CÉR ait au moins cinq membres et au moins l’un d’entre eux doit être un membre de la collectivité sans affiliation avec l’institution. Il est aussi exigé qu’il y ait des membres avec des connaissances spécialisées en science, en droit et en éthique.

La tâche principale des membres de la collectivité « consiste à apporter le point de vue du participant. Elle revêt une importance particulière lorsque les participants sont vulnérables ou exposés à des risques considérables ». Ils devraient aussi « aider à élargir les perspectives et les valeurs du CÉR », et ainsi « promouvoir le dialogue et la responsabilité envers les collectivités pertinentes ». (Pour plus d’information sur les CÉR et les membres de la collectivité voir : http://www.ger.ethique.gc.ca/fra/policy-politique/initiatives/tcps2-eptc2/chapter6-chapitre6/http://www.ger.ethique.gc.ca/fra/policy-politique/initiatives/tcps2-eptc2/chapter6-chapitre6/).

Au moins trois membres de l’APEC agissent à titre de membres de la collectivité dans un CÉR. Un d’entre eux est Richard Walker, un commandant retraité qui a servi à titre d’officier d’éthique des forces armées canadiennes. Il a eu une expérience d’un an avec le Queen’s University General Research Ethics Board. Pourquoi « General »? Vu le très grand nombre de propositions de recherche pendant un an – il peut monter à quatre cents – l’université a créé un processus décentralisé où les facultés et programmes examinent les propositions routinières dans leurs propres sous-comités.

« Nous examinons beaucoup de questions complexes dans des thèses de recherche ou des projets équivalents, » dit-il. « En fait, les étudiants ou la faculté peuvent creuser des sujets qui sont de nature géopolitique, ou sont fortement controversés dans l’opinion publique. Il peut y avoir des préoccupations de responsabilité légale pour la sécurité des chercheurs ou pour le bien-être d’enfants en danger d’abus. Il peut y avoir de fortes motivations — des conflits d’intérêts perçus ou inhérents, des paiements comptants ou des promotions de cours pour les étudiants. La liste continue.

À titre de membre de la collectivité, j’agis comme un médiateur honnête qui amène le point de vue impartial d’une personne raisonnable en la matière ».

Robert Czerny, président de l’APEC, a pris connaissance des CÉR lors des Tables rondes informelles à Ottawa.

Le travail du CÉR du Conseil national de recherches Canada, sur lequel il a été un membre de la collectivité pendant trois ans, est varié — une vaste gamme de sujets et des interactions avec des chercheurs du milieu gouvernemental, du monde universitaire et de l’industrie. « Il est fascinant de rencontrer des chercheurs qui sont des pionniers et des innovateurs dans plusieurs domaines scientifiques », dit-il. « En même temps, ma principale contribution est de lire les documents du point de vue d’un non-initié. Un participant de recherche éventuel comprendra-t-il vraiment le formulaire de consentement? »

Une préoccupation additionnelle est de quelle façon la participation dans un projet de recherche peut affecter les relations dans le milieu de travail ou familial. « Disons qu’on demande à une famille de tester quelque chose pendant un mois. Qu’est-ce qui arrivera après? Les enfants ne comprendront pas pourquoi ils doivent redonner un nouvel équipement ou abandonner des routines qu’ils aiment. Traiter les familles avec déférence fait partie du point de vue éthique qu’un membre de la collectivité peut apporter. »

Mark Audcent, secrétaire de l’APEC, siège au CÉR en sciences de la santé et sciences de l’Université d’Ottawa depuis environ dix ans à titre de représentant de la collectivité et de personne versée en droit, et de vice-président du comité depuis 2010. Il estime consacrer de 8 à 12 heures mensuellement à lire et à commenter les dossiers soumis pour évaluation. « Le CÉR peut décider de mener une évaluation déléguée d’un dossier ou de soumettre un dossier à l’évaluation du comité au complet, selon la nature de la recherche proposée et du niveau de risque associé. Deux membres du comité sont désignés pour évaluer chaque dossier. Dans le cas d’une évaluation qui comporte des risques minimaux, ils soumettent leurs commentaires par écrit. S’il s’agit d’une évaluation soumise à l’examen du comité au complet, ils animent la discussion de l’ensemble des membres sur la proposition. »

Si vous voulez participer bénévolement à un CÉR, comme membre de la collectivité ou en tant qu’éthicien, vérifiez auprès d’institutions dans votre région telles que des universités ou communiquez avec l’APEC. Si vous êtes intéressés par la recherche avec des animaux, consulté le site du Conseil canadien de protection des animaux en science à l’adresse suivante : http://www.ccac.ca/fr_/http://www.ccac.ca/fr_/.

Par Robert Czerny, avec la collaboration de Francis Rolleston, initiateur et un rédacteur principal de l’Énoncé de politique des trois Conseils (EPTC). Traduit de l’anglais; merci à Marjolaine Lalonde pour son assistance.

Commentaire

Well written and comprehensive article on “Ethics Practitioners on Research Ethics Boards” coupled with practical information. It was an interesting read as I too serve as a community member on McMaster’s REB. I concur with author’s comments about participating in a REB is not only a “valuable contribution to science and society” but most definitely a “fascinating” experience. If I may add, to me it has been adventurous. Working with a board comprising of legal, IT and subject experts has been invaluable. During full board reviews, I have been exposed to a totally new phenomenon that results in raising critical questions in an effort to mitigate any potential harm to participants. Being a community member and not being familiar with the topic is an advantage in some ways. Community members are able to raise valuable questions that contribute to improving the study. In the process, I have also become accustomed to new phenomena in the context of cultural, social or technological innovation. I highly recommend REB experience to any open-minded inquirer as there are learning opportunities including conferences along the way.

Sadhna Jayatunge; July 13, 2016

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